La lettre du Cabinet EMAILLE – Septembre 2011
Pour toutes questions ou commentaires : Pierre Emaille.
Le CDDU est-il l’avenir du CDI ?
En cette rentrée scolaire 2011, débutons l’année pleins de bonnes intentions en nous penchant succinctement sur la problématique « tarte à la crème » du droit social dans nos métiers de production, j’ai nommé le valeureux « CDD d’usage » : voilà donc ce que nous apprend les
textes, l’application qu’en fait la jurisprudence et ce qu’il faut (mieux) en retenir …
Ce que les textes disent
Le code du travail énonce clairement qu’un contrat de travail est par principe un CDI (art.L1221-2 du code du travail).
Le recours à un CDD n’est autorisé que dans des conditions strictes définies par la loi et d’interprétation stricte.
Ainsi, le CDD ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dans certains cas particuliers tels que les « emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret (*) … il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » (art. L 1242-2).
(*) où l’on trouve notamment : les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ou encore le sport professionnel voir les activités foraines.
| Pour autant, le CDD – quelque soit son motif, fut il d’usage – « ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » (art. L 1242-1).|
Ce qu’en dit la jurisprudence …
Longtemps, la jurisprudence française se contentait de vérifier si l’on se trouvait bien dans l’un des secteurs d’activité visés par la loi et s’il existait un usage constant de ne pas recourir au CDI dans ce secteur.
Cette position a été mise à mal par un arrêt de la CJCE en 2006 (affaire Adeneler), reprochant implicitement à la haute juridiction française de ne poser aucune limite objective à la succession de CDDU.
Bonne élève, la cour de Cassation a corrigé le tir – Cass sociale 24 septembre 2008 :
Dans cette espèce, un journaliste pigiste n’avait pas réussi à obtenir par la Cour d’Appel la requalification en CDI de CDD successifs qu’il avait signés sur une durée de neuf ans ! La Cour relevait en effet « qu’eu égard au caractère par nature temporaire des programmes télévisés et compte tenu de l’usage qui règne dans le secteur de l’audiovisuel de ne pas recourir au CDI, la succession de CDD était parfaitement justifiée ».
Ainsi, dorénavant, le recours au CDD d’usage ne peut se justifier que si trois conditions cumulatives sont remplies :
– l’emploi doit être exercé dans un secteur d’activité visé par la loi ;
– il doit être d’usage constant pour cet emploi de ne pas recourir au CDI;
– l’emploi doit être par nature temporaire.
La haute juridiction impose par ailleurs de vérifier que le recours au CDD d’usage est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
{{L’existence d’un usage ne suffit donc plus : dès lors que des CDDU pourront être rattachés à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ils devront être requalifiés
en CDI.}}
Ce qu’il faut (mieux) en retenir
Le recours au CDD – fut-il d’usage – ne peut constituer un outil permanent de gestion des entreprises : le besoin doit être momentané et objectivement identifiable.
Le seul fait d’appartenir à un secteur d’activité figurant dans la liste précitée ne suffit plus à
justifier le recours à un CDDU pour tous les emplois de ce secteur !
Un CDDU peut ne pas comporter de terme précis (c’est à dire une durée précise) : sa durée sera alors celle nécessaire à la réalisation de l’objet (la mission) pour lequel il a été conclu (jusqu’à l’achèvement du film par exemple).
Dans ce cas, et par définition, le CDDU ne pourra faire l’objet d’un renouvellement.
|Pour autant, le CDDU doit impérativement comporter une durée minimale d’engagement et les termes utilisés lors de sa rédaction doivent être choisis avec prudence car la jurisprudence apprécie la durée du contrat en fonction du libellé du motif énoncé réellement
dans le contrat.|
… à défaut de quoi il pourra être requalifié en CDI.