C’est avec un grand plaisir que le médiaClub vous partage le 4eme numéro de «vendredi de l’IP-IT» du département Media-Cinéma-Digital du cabinet Spring Legal. C’est un billet publié chaque semaine, écrit à chaque fois par un membre différent de l’équipe, aujourd’hui c’est au tour de Karine Riahi (avocate associée) . Les écrits auront toujours trait à une question de droit liée aux préoccupations du monde de la propriété intellectuelle (IP) et de la Tech (IT).
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L’ART ET LA TECHNIQUE :
LE DROIT D’AUTEUR A L’EPREUVE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE GENERATIVE
La question du respect des droits d’auteur en matière d’intelligence artificielle générative (« IA Générative ») inquiète grandement les créateurs d’œuvres de l’esprit. Ils nous demandent s’il existe des « lois » permettant
de défendre leurs droits d’auteur à l’heure de l’avènement grand public des outils d’intelligence artificielle générative.
Rappelons-leur que les dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle en France, dont les grands principes datent de 1957, alors que les œuvres étaient essentiellement créées par des créateurs uniques (romanciers, compositeurs, ou pour les films, des scénaristes et des réalisateurs) aisément identifiables, s’appliquent quand même. Peuvent-elles passer l’épreuve de d’intelligence artificielle générative ?
Les juristes se sont emparés relativement vite, de ces questions, et sur les derniers mois écoulés, trois évènements juridiques majeurs se sont produits
Le monde est aligné pour réaffirmer le respect du droit d‘auteur au travers d’un accord collectif (USA), d’un accord provisoire préalable d’un Règlement Européen (UE), ou d’une décision de justice (Chine),
Un accord collectif : on commencera par citer le Mémorandum of Agreement signé le 25 septembre 2023 par la Writers Guild of America (WGA) et l’AMPT (qui regroupe l’essentiel des sociétés de production
cinématographique et audiovisuelle américaines), dont le volet relatif à l’IA Générative vise à protéger les créations intellectuelles des auteurs par le fait de l’interdiction (i) d’utiliser l’IA Générative pour écrire un contenu littéraire, sauf si la société de production l’y autorise et (ii) de porter atteinte aux droits des auteurs et à leur crédit en cas d’utilisation de l’IA Générative.
Un accord provisoire d’un règlement européen (IA ACT) : le 9 décembre 2023, l’Union Européenne a établi un accord provisoire sur la proposition d’un Règlement Européen pour l’IA (IA Act), qui en matière d’IA Générative, pose ces premiers principes (i) d’exigence de conformité avec les règles du droit d‘auteur, et (ii) de transparence puisque devront être publiés des résumés détaillés des contenus utilisés pour entrainer l’IA.
Une décision de justice rendue par la Beijing Internet Court : le 27 novembre 2023, la Beijing Internet Court saisie d’une action en contrefaçon par un auteur qui contestait l’utilisation sans son autorisation, de son
œuvre pourtant créée grâce à l’IA, lui a reconnu un droit d’auteur puisque, nonobstant l’utilisation de l’IA générative, le tribunal a jugé que l’auteur avait effectué, pour la création de son œuvre des « efforts intellectuels par le choix des mots de ses prompts, l’arrangement de leur ordre, et la sélections des images », et a conclu à l’existence de l’originalité de l’œuvre litigieuse. Par cette décision, le juge chinois a ainsi considéré l’IA Générative comme un outil, dont l’utilisation au cours du processus de création, n’interdit pas d’emblée, à son créateur, la qualification d’auteur.
Ces trois positions juridiques, provenant à la fois des Etats-Unis, de la Chine, en passant par l’Union européenne, nous permettent à mon sens d’être optimiste en ce que déjà, elles affirment que cette révolution de la création par l’IA ne fera pas disparaître le nécessaire des droits des auteurs.
Le combat entre l’Art et la Technique n’aura pas lieu.