Mardi 12 novembre, les membres du médiaClub’Elles ont eu la joie de rencontrer l’actrice Aïssa Maïga, et d’en apprendre un peu plus sur sa carrière et sur ce qui l’a poussée à prendre l’initiative de l’ouvrage collectif « Noire n’est pas mon métier » l’année dernière.
Aïssa Maïga se définit comme une optimiste. Depuis qu’elle est toute jeune, elle s’est toujours nourrie des personnes autour d’elle qui ont su lui donner confiance en elle, en la considérant dans son intégrité. Son père d’abord, journaliste malien, dont l’ouverture d’esprit la marque dès son plus jeune âge et qui lui transmet un sentiment fort d’empowerment. Puis son oncle et sa tante, à la mort de son père.
Tôt, elle ressent l’envie d’être comédienne mais n’ose pas l’avouer. Dans sa famille, on valorise les études. Le racisme, elle y est confrontée assez tôt, alors qu’elle recherche un job et un appartement à Paris. Elle hésite encore entre son désir de devenir comédienne et sa volonté de faire des études de sociologie, pour comprendre les mécanismes du racisme. C’est un tournage au Zimbabwe qui va définitivement la décider. Lorsqu’elle fait escale en Afrique du Sud pour s’y rendre, elle est frappée par la réalité de l’Apartheid.
De retour en France, elle est vite freinée par un racisme latent au sein du milieu de l’audiovisuel : elle ne comprend pas cette fixation qu’ont les scénaristes à vouloir associer une femme noire aux personnages de prostituées et à des emplois subalternes, ni le refus des élites de voir des personnes de couleurs incarner les personnages principaux, et ce déni lorsqu’elle tente d’expliquer le problème « mais c’est la chaîne qui ne veut pas », « le public n’est pas prêt »…
Après plusieurs années maigres en casting (elle n’en décroche que deux par an quand ses collègues blancs en ont deux à trois par semaine !), Aïssa est révélée au grand public avec Les poupées russes. En 2007, elle remporte un césar pour son rôle dans Bamako. Pendant négatif de son succès, elle est constamment ramenée à sa couleur de peau lors des interviews, alors qu’on interroge ses collègues blanches sur le scénario par exemple.
C’est à l’occasion d’un déménagement que naît Noire n’est pas mon métier. Elle remet alors la main sur un texte qu’elle avait écrit en 1998 et réalise que rien n’a changé pour les comédiennes noires. Son éditrice lui propose de rédiger un livre coup de poing. Elle le réalise avec 15 autres actrices noires et métisses. On se souvient de leur montée des marches à Cannes en 2018, poing levé, puis de leur danse ensuite.
Comment devenir toutes et tous des alliés de la lutte anti-raciste ? Sans vouloir endosser le rôle de porte-drapeau, Aïssa nous donne quatre conseils : écouter réellement les personnes concernées d’abord, sans minimiser ni projeter nos propres croyances. Rester humble ensuite, se faire courroie de transmission de ces problématiques, mais avec humilité. Former et sensibiliser les gens aux problématiques du racisme est aussi primordial car on ne se rend pas compte de ce que vivent les gens de couleurs. Et surtout incarner ses positions et les appliquer dans les choix que nous faisons, pour réellement faire ce que l’on dit, et être prêts à déconstruire nos propres préjugés lorsqu’ils refont surface. Cela implique d’oser abandonner une part de nos privilèges et d’accepter de les partager pour créer une vraie parité.