Le stage – et ses conséquences – est strictement encadré par le législateur … et ses débordements appréciés par la jurisprudence.
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Sommaire
-# La notion « actuelle » du « stage »
-# Ses caractéristiques
-# Convention de stage « étudiant »
-# Boite à Outils – ou tout ce que vous avez toujours voulu savoir sans oser le demander
1. DESTINE A COMPLETER UNE FORMATION THEORIQUE par une expérience pratique en entreprise, la loi du 31 mars 2006 a réformé le statut des stagiaires en entreprise en en distinguant (deux types (uniquement) :
– les stages réalisés par des élèves ou des étudiants de l’enseignement supérieur. Ils correspondent à ceux effectués en entreprise par les étudiants d’établissements d’enseignement préparant à un diplôme de l’enseignement supérieur (exemple : IUT, magistères, DESS, écoles de commerce…) ;
– les stages réalisés par des élèves de l’enseignement secondaire qui sont soumis aux prescriptions de l’article L.4153-1 du Code du travail.
Le dispositif a été complété par la loi du 24 novembre 2009, renforçant la réglementation des stages en entreprise sur deux points : la gratification minimale et le volet pédagogique tandis que la loi du 28 juillet 2011 n’autorisent plus que les stages intégrés dans la scolarité faisant l’objet d’une convention tripartite entre l’entreprise, le stagiaire et l’établissement d’enseignement.
Le législateur a ainsi ajouté un article L.612-3 au Code de l’éducation obligeant l’employeur à tenir un registre des conventions de stage dont les modalités doivent être précisées par décret. Ce registre est distinct du registre du personnel.
2. LE STAGE EN ENTREPRISE PEUT ETRE DEFINI comme une période plus ou moins longue pendant laquelle le jeune se trouve dans l’entreprise pour accomplir une prestation ou réaliser un objectif lié en principe à ses études ou sa formation. Le stage doit être caractérisé par un objectif pédagogique qui le différencie du contrat de travail où la notion de profitabilité à l’entreprise est en revanche présente.
Différents éléments caractérisent l’existence d’un stage :
– le stagiaire n’est pas salarié de l’entreprise d’acueil et reste sous statut scolaire ou universitaire durant son séjour dans l’entreprise;
– les relations entre le stagiaire et l’entreprise sont régies par une « convention de stage »;
– le stagiaire conserve pendant la durée du stage, sa couverture sociale en qualité d’étudiant;
– l’entreprise ne doit pas rechercher à tirer un profit direct de la présence du stagiaire;
– l’élève ne peut donc exiger de rémunération de l’entreprise mais une simple gratification;
Toutes ces situations doivent être bien différenciées des jobs d’été souvent qualifiés à tort de « stages » car il s’agit alors d’un véritable emploi.
Ainsi, la réforme a abandonné l’ancienne typologie entre stage obligatoire et stage non obligatoire au bénéfice des stages pédagogiques qui ont pour but prioritaire de compléter une formation théorique par une expérience pratique en entreprise. Le jeune stagiaire est placé en entreprise pour s’informer, se former ou réaliser une étude destinée à l’obtention d’un diplôme. Désormais la distinction se fait entre stage étudiant et stage de l’enseignement secondaire.
L’entreprise qui aurait recours à un stagiaire sans convention prend le risque d’une requalification du stage en contrat de travail avec pour conséquence, le calcul des charges et contributions sur une assiette minimale (smic). L’employeur risque également d’être sanctionné pour travail dissimulé. Mieux vaut donc ne pas mettre la tête sous la convention de stage.
3. LA CONVENTION DE STAGE « ETUDIANT »
a) Tout stage effectué en entreprise par les étudiants d’établissements d’enseignement préparant à un diplôme de l’enseignement supérieur et suivant un cursus pédagogique doit impérativement faire l’objet d’une convention tripartite.
Remarque : Auparavant, la notion de cursus pédagogique n’était pas définie et c’est le décret du 25 août 2010 qui a précisé les stages devant être considérés comme intégrés à un cursus pédagogique à la double condition que leur finalité et leurs modalités soient définies dans l’organisation de la formation et que le stage soit évalué par l’établissement d’enseignement, sur la base d’une restitution de la part de l’étudiant
La loi du 28 juillet 2011 confirme ce point en rappelant que le stage doit être intégré à un « cursus pédagogique scolaire ou universitaire ».
Ainsi, il est interdit d’avoir recours aux stages :
– s’il s’agit de remplacer un salarié en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail ou de licenciement;
– d’exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent;
– de faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
– d’occuper un emploi saisonnier.
Pour tous ces cas l’entreprise doit conclure un contrat de travail.
b) Les partenaires sociaux ont signé une charte des stages étudiants en entreprise, proposant un modèle type de convention de stage. Ce document constitue le texte de référence encadrant les stages étudiants. Il a, pour une bonne part, été repris dans le décret du 29 août 2006.
Avec ou sans modèle type, la convention doit impérativement mentionner les points suivants :
– la définition des activités confiées au stagiaire en fonction des objectifs de formation ;
– les dates de début et de fin du stage ;
– la durée hebdomadaire maximale de présence du stagiaire dans l’entreprise. La présence, le cas échéant, du stagiaire dans l’entreprise la nuit, le dimanche ou un jour férié ;
– le montant de la gratification versée au stagiaire et les modalités de son versement ;
– la liste des avantages offerts, le cas échéant par l’entreprise au stagiaire, notamment : en ce qui concerne sa restauration, son hébergement ou le remboursement des frais qu’il a engagé pour effectuer son stage ;
– le régime de protection sociale dont il bénéficie, y compris la protection en cas d’accident du travail dans le respect de l’article L.412-8 du code de la sécurité sociale ainsi que, le cas échéant, l’obligation faite au stagiaire de justifier d’une assurance couvrant sa responsabilité civile ;
– les conditions dans lesquelles les responsables du stage, l’un représentant l’entreprise, l’autre l’établissement, assurent l’encadrement du stagiaire ;
– les conditions de délivrance d’une attestation de stage et, le cas échéant, les modalités de validation du stage pour l’obtention du diplôme préparé ;
– les modalités de suspension et de résiliation du stage ;
– les conditions dans lesquelles le stagiaire est autorisé à s’absenter, notamment dans le cadre d’obligations attestées par l’établissement d’enseignement ;
– les clauses du règlement intérieur de l’entreprise, s’il existe, applicables au stagiaire.
4. BOITE A OUTILS
a) La durée du ou des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne peut excéder six mois par année d’enseignement.
Le législateur a instauré un délai de carence entre deux stages effectués sur un même poste de travail : en effet, « l’accueil successif de stagiaires, au titre de conventions de stages différentes, pour effectuer des stages dans un même poste de travail n’est possible qu’à l’expiration d’un délai de carence d’un tiers de la durée du stage précédent ».
Cette disposition n’est pas applicable lorsque le stage précédent a été interrompu avant son terme à l’initiative du stagiaire.
Aux termes de la loi de 2006, aucune durée maximale n’encadre les stages « intégrés à un cursus pédagogique »..
L’ACOSS précise que la durée de présence du stagiaire dans l’entreprise ne peut être supérieure à la durée légale ou conventionnelle du travail en vigueur dans celle-ci.
b) Période d’essai : Lorsqu’une embauche survient dans les trois mois suivant un stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée du stage est déduite intégralement de la période d’essai. Par ailleurs la durée de ce stage (au moins deux mois) est prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté du stagiaire nouvellement embauché.
c) Rupture : en présence d’une véritable convention de stage et en cas de non respect par le stagiaire de ses obligations ou de non respect par l’entreprise des siennes, le stage pourra être rompu mais cette rupture ne s’analysera pas en un licenciement et le litige ne relèvera pas de la juridiction prud’hommale.
d) Le stagiaire n’étant pas titulaire d’un contrat de travail, il n’y a pas d’obligation de procéder à une déclaration préalable à l’embauche, pas de visite médicale et pas d’inscription sur le registre du personnel, … le stagiaire est le fantôme de l’entreprise qui l’emploie.
e) Le stagiaire ne peut se prévaloir du bénéfice des conventions ou accords collectifs applicables dans l’entreprise, mais doit en revanche se plier aux horaires et règles de discipline générale et d’hygiène et de sécurité.
Nb : le dépassement du terme d’un stage décidé d’un commun accord, ne suffit pas à requalifier la prestation de stage en contrat de travail.
Ce ne serait pas le cas s’il y avait une absence de formation dans l’entreprise accueillante et une affectation exclusive du stagiaire aux tâches normales d’un emploi dans l’entreprise.
De la même façon, l’entreprise ne peut retirer un profit direct de la présence du stagiaire sans risquer une requalification directe en contrat de travail.
f) L’ « utilisation abusive des services d’un stagiaire » est caractéristique du délit de « rétribution sans rapport avec le travail accompli, par abus de vulnérabilité et de dépendance » et est réprimé par l’article 225-13 du Code pénal.
(Cette décision est notamment issue de l’arrêt de cassation criminel du 3 décembre 2002 où plusieurs stagiaires accueillis par un hôtel dans le cadre des stages obligatoires étaient présents à la réception de 23h à 7h du matin et ce 7 jours sur 7 pour une rémunération insignifiante basée sur la moitié des heures réellement effectuées. Qui plus est ces stagiaires ne bénéficiant d’aucune formation ni d’acquisition d’expérience professionnelle).
g) Conditions de rémunération des stagiaires : une « gratification » est désormais obligatoire pour tous les stages supérieurs à deux mois et ce, dès le 1er jour du premier mois de stage.
Le décret du 31 janvier 2008 fixe à 12,5% du plafond horaire de la sécurité sociale le montant horaire de la gratification due au stagiaire à défaut de convention de branche ou d’accord professionnel étendu.
Soit au 1er janvier 2011 : 22 x 0,125 = 2,75 €/h de stage effectué.
La durée légale du travail de 35 h hebdomadaire correspond, sur la base de 52 semaines à un total annuel de 1.820 h, soit à une moyenne mensuelle de 1820/12= 151,666… heures. Si l’on arrondit cette moyenne mensuelle à 151,67h on obtient donc un forfait plancher ou gratification minima obligatoire de : 151,67 x 2,75 = 417,09 € pour un mois complet.
Cette rémunération minimale correspond au seuil d’exonération des cotisations de Sécurité sociale. Dans cette limite la gratification est donc exonérée de charges pour l’entreprise.
Qui peut le plus pouvant le moins, et l’employeur a tout loisir de verser une gratification pour les stages de moins de 2 mois.
Ces versements minima sont dus sans préjudice des remboursements de frais ou d’éventuels avantages offerts, le cas échéant, pour la restauration, l’hébergement et le transport. L’Acoss a confirmé que les participations patronales éventuelles liées aux avantages en nature et aux remboursements de frais professionnels accordés au stagiaire ne doivent pas être compris dans le montant de la gratification minimale.
Une règle de bon sens, qui plus est, est de considérer que les frais engagés par le stagiaire pour l’accomplissement du stage, et conformément aux directives qu’il recevra et après accord de l’employeur devraient être pris en charge par l’employeur sur présentation des justificatifs.
h) Couverture accident du travail du stagiaire.
L’URSSAF précise sur son site internet les modalités de prise en charge de la cotisation AT/MP.
La loi de 2006 a notamment généralisé la protection contre les accidents du travail. Toutefois certaines interrogations subsistaient concernant la prise en charge de la cotisation AT/MP.
L’URSSAF donne les indications suivantes : conformément au décret du 18 décembre 2006, les modalités de prise en charge de la cotisation dépendent du montant de la gratification attribuée au stagiaire (selon que cette gratification excède ou non, par heure effectuée, le seuil de 12,5% du plafond horaire de la sécurité sociale).
En conséquence selon l’URSSAF :
– lorsque le montant de la gratification accordée au stagiaire est inférieur ou égal au seuil de 12,5% précité, la cotisation forfaitaire AT/MP est due par l’établissement à hauteur du montant de la gratification ;
– lorsque le montant de la gratification versée au stagiaire excède les 12,5%, dans ce cas, l’établissement d’enseignement cotise contre le risque AT/MP à hauteur de ce seuil et l’entreprise d’accueil cotise sur la fraction de la gratification excédant ce seuil (le taux AT/MP applicable est celui de l’entreprise.
(cf.www.urssaf.fr)
Pierre EMAILLE en collaboration avec Patrice LAUME pour le Cabinet Emaille.