N- Caroline, j’avais envie de te revoir à l’occasion d’une interview car tu fais partie des Anciens qui ont récemment décidé de se lancer dans la création de leur propre société…Comment en es-tu arrivée là ?
C- Je suis donc issue de la même promo du DESS que toi, 1991. Naturellement, l’idée de monter ma société ne me traversait pas du tout l’esprit à l’époque !
J’ai une formation de juriste et d’avocate et suis de nationalité franco-argentine.
Après le DESS, j’ai eu la chance de travailler immédiatement chez Gaumont au sein de la structure GAUMONT-ROBUR (appartenant à 50 /50 à Gaumont et au groupe Rouvre). La société produisait surtout de la fiction lourde ( ex : feuilletons d’été comme « La rivière Espérance » et des documentaires comme « l’histoire de la télévision »). C’est la première société de production française qui réussit à monter une série avec la syndication américaine comme « HIGHLANDER ».
Après 6 mois-1 an, Robur a fermé et GAUMONT TV a repris l’activité. Je travaillais avec Marc du Pontavice avec qui j’ai fait mes armes.
J’ai touché à toutes les formes de contrats : coproductions, auteurs, diffusion etc…
Marc est ensuite parti pour créer GAUMONT Multimédia qui allait produire essentiellement de l’animation.
Je reste donc 5 ans chez Gaumont. Fin 1995, TF1 me fait une belle proposition alors qu’elle créee une structure internationale de cinéma. Fin Janvier-début Février 96, je rejoins la structure.
Aubout de 6 mois, la structure baptisée SYALIS devient TF1 INTERNATIONAL qui se concentre essentiellement sur la vente de films à l’international.
Ainsi, je passe à la fois de la télévision au cinéma et de la production à la vente internationale.
Je fais l’expérience de vivre au sein d’une grosse société où après 7 ans 1/2 j’aurais connu pas moins de 5 patrons !
N – Et que fais-tu à TF1 pendant toutes ces années ?
C- Je suis directrice juridique et Business Affairs.
Outre les négociations et le juridique, je vais être amenée à faire également du management.
TF1 International s’élargit vers la production et la coproduction à l’international en 1998 environ.
Mes responsabilités me conduisent à créer une équipe qui a fini par atteindre une dizaine de personnes pour gérer les ventes internationales, les acquisitions et les coproductions internationales. Quelques exemples : le remake d ‘« Un indien dans la ville », de « Loin du paradis », des films australiens, américains, anglais ou espagnols.
Nous faisons donc aussi de l’acquisition de catalogues et de la gestion de droits.
Le 5ème changement de direction de la structure m’amène à réfléchir sur la direction que je souhaite désormais donner à ma vie professionnelle.
Pas facile de choisir entre les opportunités qu’offre une telle grande société comme TF1 et l’indépendance qui me tente également…Après une longue réflexion, je choisis donc de plonger vers la seconde solution !
C’est grâce à une double rencontre, celle de Jean-Jacques LEVY (qui a occupé plusieurs fonctions importantes à TF1 notamment au développement) et d’Anouk NORA (productrice franco-américaine qui a eu sa propre société de production de pub et de clips vidéo à New-York) qu’est née l’idée de monter FORECAST PICTURES.
En effet, en faisant un état des lieux de la production et de ses modes de financement, nous avons constaté que les producteurs avaient de plus en plus de mal à monter leurs projets. Il nous est paru évident que les producteurs européens devaient aller chercher des financements à l’extérieur. Ainsi, nous nous sommes penchés sur la manière dont nous pourrions aider les producteurs à optimiser le financement de leurs films.
Et voilà ! Nous avons crée FORECAST PICTURES tous les trois il y a 1 an.
Nous nous sommes élargi depuis avec Olivier Piasanti et Nicolas Manuel (issu du DESS).
Nous avons développé un très bon relationnel à Los Angeles et disposons chez un producteur d’un bureau sur place.
N- Comment intervenez-vous sur ces projets ?
C- Nous avons 2 modes d’intervention :
1- >Comme consultant partenaire dans le cas où le producteur a déjà avancé seul sur le développement de son projet mais a besoin de compléter son financement. Nous l’aidons alors à rencontrer des partenaires, à optimiser le financement du film en analysant d’où peut venir le gap de financement etc…La nature de notre service nous amène à lire le scénario, à avoir un regard sur le casting et parfois à orienter le producteur dans ses choix en fonction des partenaires étrangers choisis.
Ex d’un projet qui entre dans ce cadre : le film de Julien Seri produit par Dominique Farrugia, « RTT » avec Sophie Marceau et Jean Paul Rouvre. Les éléments du film sont français mais l’histoire se déroule en Australie ou en Afrique du Sud. On apporte du financement comme des tax shelters que l’on peut trouver en Afrique du Sud.
Un autre film réalisé par Eric Vallette et tourné en Espagne bénéficie de cette 1ère forme d’intervention.
Du travail financier au relai de production à la négociation des accords, nous offrons un service complet.
2- >Sous forme de packaging comme partenaire producteur. Dans ce shéma, nous levons l’intégralité du financement. Les films ont tous une vocation internationale.
Nous intervenons sur :
– Le casting, grâce notamment à nos relations avec de gros agents anglo-saxons
– Le budget
– Le choix d’un bon directeur de production adapté
Ex : « Ô Jerusalem » (adapté du roman de Lapierre et Collins) réalisé par Elie Chouraqui. Il s’agit d’une très grosse production internationale entre la France, l’Angleterre, l’Italie, la Grèce et Israel pour un budget de 18 M d’Euros env.
Le film sera tourné en Anglais et le casting est autant international que français. Le tournage démarrera le 15 Novembre prochain.
Autre ex : le producteur Experience Film a pris une option sur un livre de Serge Brousolo, « Les emmurés » et nous intervenons selon ce shéma, dès l’étape de travail sur le scénario.
Nous avons également un gros projet, « Last born » coproduit avec METRONOME, société danoise. Le réalisateur Niels Arden est danois et il s’agit de son 1er film en anglais. Il avait entamé son développement avec Zentropa, la société de Lars Von Trier mais le budget s’étant avéré trop lourd (22 M d’euros), le projet a pris un autre essor. Nous sommes partenaires avec New Line notamment.
N-Comment et à quel moment vous rémunérez-vous sur cet ensemble de services ?
C- On se fait payer que si le film se fait…et au plus tard le 1er jours de tournage, ce qui permet au producteur d’inclure ce coût dans le coût du film et non dans ses frais généraux.
N- D’autres activités ?
C- Oui, grâce à notre relationnel aux Etats-Unis et en Angleterre, nous intervenons sur les droits de remake. Nous sommes intervenus sur les droits d’un film israelien optionné par la société FORCE MAJEURE, « Les 92′ de Mr Baum ». Nous avons pitché le projet à un gros producteur, Bob Cooper, le producteur d’« American beauty »
N- Après un an d’ativité, où en êtes-vous ?
C- Nous sommes persuadés que notre concept est bon. Il existe des sociétés un peu similaires mais elles n’offrent pas de services pouvant aller jusqu’à la coproduction par ex.
Naturellement, il faut du temps et pour que les projets se montent et le facteur le plus long à se mettre en place est le casting ! Comme nous traitons avec des réalisateurs producteurs certes importants mais qui ne sont pas les plus gros, nos bonnes entrées chez les agents ne suffisent pas toujours pour accélerer le processus.
Je voulais aussi parler d’un projet qui est notre projet que nous coproduisons avec un réalisateur qui a sa société. Il s’agit d’un film français à petit budget, un comédien avec une grande star américaine. Nous développons ici le projet de A à Z.
Il s’agit à la fois d’une rencontre et d’un coup de cœur pour l’histoire.
Le scénario dans sa version française est bouclé et nous attendons la version anglaise pour les jours qui viennent. Cette version partira fin Juillet aux Etats-Unis.
Le projet repose vraiment sur l’accord de la star
N- Tu te verrais officiellement productrice dans 5 ans ?
C- Si notre activité marche, bien sûr, ce serait le développement naturel !
N- Les axes de développement de FORECAST PICTURES me semblent vraiment très intéressants !
C- Certes ! Nous nous sommes donnés jusqu’à Cannes 2005 pour faire un grand point.
N- Tu voyages beaucoup j’imagine !
C- Oui, nous allons sur tous les grands marchés et festivals et je vais souvent en Espagne où je développe un réseau de producteurs, de réalisateurs et de comédiens. J’essaie aussi de faire la jonction avec l’Amérique latine.
Nousi allons également à Los Angeles 4 fois par an environ, à Londres presque tout le temps, en Australie ou en Afrique du Sud pour le projet de film de D Farrugia.
Nous avons créé d’autre part une base de données interne où nous avons entré tous les textes, traités et moyens de financement existant en Europe, au Canada, en Australie et en Afrique du Sud ; Nous sommes en train de travailler sur l’Amérique latine.
Il s’agir d’une outil extraordinaire que nous remettons sans cesse à jour.
N – J’imagine que tu es ravie de ton choix d’avoir co-fondé FORECAST PICTURES
C- Oh oui ! Tout cela n’aurai pu se faire sans mon parcours d’avant. TF1 est une excellente école, exigeant une vraie rigueur. Je m’en rends compte maintenant.
****************Quelques questions parallèles sur toi…*******************
-Tes films ?
– J’ai été très impressionnée par un film de Juan Carlos Fresnadio en 2000, INTACTO
J’ai beaucoup aimé récemment LADYKILLERS des frère Coen ainsi que LA VIE EST UN MIRACLE de Kusturica
Sinon, AMERICAN BEAUTY de Sam Mendes ou RESPIRO qui m’a vraiment touché
-Des enfants ?
– 1 fille de 5 an 1/2 et un petit garçon de 4 an
– La musique ?
– Aujourd’hui, je l’écoute dans ma voiture. Sinon, l’étais gorgée de musique classique dans mon enfance
En fait, j’ai vraiment l’impression de trouver un bel équilibre dans ce shéma où j’ai ma société, voyage et profite de ma famille !
MERCI
