Nicolas Brigaud-Robert
– Pierre : Nicolas, quand as-tu fait le DESS et quel a été ton parcours depuis ?
– Nicolas : Je faisait partie de « l’équipe de nuit » en 1991. Je travaillais déjà pour Initial Groupe où j’occupais le poste de secrétaire général. La structure investissait dans le cinéma pour le compte de la caisse de dépôts et consignations. Nous gérions un important catalogue de droits de films de cinéma que nous exploitations à la télévision et à l’étranger.
Je m’étais également inscrit en thèse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Je travaillais sur les producteurs de télévision.
Initial Groupe est devenu Lumière avant d’être vendu à UGC en 1995.
J’ai en quelque sorte été vendu avec les meubles à ce moment là !
En 1996, et pour des raisons un peu similaires, je rejoins Canal+. J’effectue une brève mission pour Canal + aux côtés de Vincent Grimont. Il s’agit d’un audit pour « La bande son », filiale de Canal+ pour où étudier les possibilités de synergie entre image, musique et son.
C’est en Septembre 1997 que je monte FILMS DISTRIBUTION avec François Yon, un copain de longue date que j’avais retrouvé chez UGC, pour faire ce que je faisais lorsque j’étais aux Etats-Unis en 89-90 chez Worldvision : de la vente.
Notre première idée est de faire du négoce de droits, c’est-à-dire des ventes aux télévisions, mais très vite nous nous sommes également tournés vers l’international.
Créer notre société a été un vrai tournant : travailler avec des amis est jubilatoire et enrichissant !
– P : Quelle est aujourd’hui l’activité de Films Distribution ?
– N : Nous avons donc 2 activités :
– Gérer pour des producteurs et des distributeurs les droits détenus sur des films de long-métrage après leur sortie salle (essentiellement les droits TV…).
Nous gérons aujourd’hui un catalogue d’environ 700 films. Nous sommes sans doute la dernière société indépendante sur ce métier(c’est à dire non intégrée à un diffuseur).
– Vendre des films à l’exportation : films français à l’étranger et films étrangers à l’étranger.
Pour cette partie de l’activité, nous choisissons les films en amont, le plus souvent sur scénario Nous prenons environ 25 à 30 films par an.
– P : Tu travailles souvent avec les mêmes producteurs-distributeurs ?
– N : Oui. Parfois depuis des années. Mais pour les films à l’export, le métier est très aléatoire, et il faut trouver la perle. C’est le film aussi qui compte bien sûr.
– Na : Combien de personnes travailles chez vous ?
– Ni : Nous sommes 11 aujourd’hui.
En 1999, un 3ème associé, Valéry Guibal, un autre ami de toujours, a quitté la maison de production où il travaillait et nous a rejoints.
Cette année là, nous avons lancé une chaîne de TV, Ciné Info, en parallèle de notre activité à Films Distribution. Une chaîne totalement indépendante. Ciné Info est un peu le MTV du Cinéma avec des extraits de films, toutes les bandes annonces des films en salle et en vidéo, des interviews de stars, making-off, chroniques etc…
Nous avons vendu la chaîne fin 2002 à Multithématiques. En Janvier 2004, la châine sera rebâptisée CinéCinémas Info.
– P : J’imagine qu’il s’agissait d’une expérience à part !!!
– N : C’était un peu David contre Goliath !
Si en radio, il y a eu des radios libres, en télévision, ça n’avait jamais été le cas.
Aujourd’hui, avec la simplification des technologies, une régie de diffusion se résume pratiquement à un gros disque dur ce qui rend le coût bien moindre et a rendu une initiative comme la notre possible. Même s’il nous avons dû levés beaucoup d’argent auprès des capitaux risqueurs !
Ciné-Info fonctionnait aussi en simulcast 24h /24 sur le web dès 1999, ce qui était inédit.
– Na : Quelques films phares que tu as vendus ?
N : 2 succès commerciaux qui furent des paris sur des 1ers films :
– Une Hirondelle a fait le printemps de Christian Carion
– Jeux d’Enfants de Yann Samuell
Mais un de mes plus grands plaisirs a été de vendre les films de Jacques Tati. Nous avons fait ressortir ces films dans le monde entier. A Cannes a eu lieu une opération avec Jérôme Deschamps et la ressortie en copie 70 mm de « PLAYTIME ». Un grand moment de cinéma.
François Yon et moi sommes très attachés à ces titres, tout au long de nos carrière respectives à un titre ou à un autre. Nous avons travaillés sur les films de Tati
Sinon, le parlerai d’un autre exemple d’un film qui n’a pas du tout rencontré son public en France mais a été très bien vendu à l’étranger (Europe, Amérique du Sud, Japon…) : « Choses secrètes » de Jean-claude Brisseau.
– Na : Les projets actuels ?
– N : Quelques très belles choses :
J’ai lu un très beau scénario de Radu Milheanu, « Va, Vis, Deviens » ; Une splendeur ! Un film très émouvant sur les juifs éthiopiens les Falashas, C’est un film produit par Elzevir dont je prends le mandat à l’export.
Sinon, je vais également distribuer à l’étranger le dernier film de Marion Vernoux, « A Boire » avec Emmanuelle Béart et Edouard Baer, produit par ADR.
Il y a également le film de l’Afghan Atiq Rahimi, « Terres et cendres », adapté de son roman ainsi qu’un film brésilien, « De l’autre côté de la rue », du scénariste de « Central do Brazil ». Le film ira sans doute à Berlin.
Pour le printemps-été prochain, parmi les films français que nous amènerons dans les marchés et les festivals il y aura : « Les textiles » une comédie sur les nudistes du Cap d’Agde de Franck Landron et le dernier film de Sébastien Lifshitz, « Wild Side » ainsi que le prochain Gael Morel, « Trois Danses d’Esclaves ».
– P : J’aimerais te demander en quoi la crise actuelle du cinéma (même s’il s’agit d’une remarque très générale) touche ton secteur d’activités
-N : 2 tendances lourdes :
1/La chute très sensible du cinéma à la télévision généraliste : Le cinéma n’est plus un produit d’appel c’est le cas dans tous les grands pays d’économie de marché, au Japon, aux Etats-Unis comme en Angleterre. Nous sommes touchés de la même manière en France.
2/ La transformation du parc des salles de cinéma et l’émergence des multiplex a eu pour conséquence une moindre place accordée au le cinéma d’auteur dans certains pays.
En même temps, on parle de crise du cinéma français mais notre cinéma ne s’est jamais aussi bien porté à l’exportation, en terme de box-office ! Il y a pourtant une concentration de l’activité sur un nombre plus restreint de films.
Aujourd’hui, un film « exportable » est vendu partout ; Ce sont les mêmes films qui sont achetés par les distributeurs étrangers et en même temps un plus grand nombre de films ne sortent plus des frontières.
-P : Le DVD compense t-il la chute ?
– N : Cela a été vrai mais je crois que nous atteignons aujourd’hui le sommet de la courbe.
Un petit questionnaire de Proust ?
– Quel est ton film préféré ?
– Jeanne d’Arc de Dreyer…Enfin, Ces jours-ci !
– Un livre ?
– Le Gand Maulnes, un livre qui m’a marqué comme beaucoup d’écoliers.
– Si tu n’avais pas fait ce métier, qu’aurais-tu fait ?
– Sociologue !
– Le son que tu préfères ?
– Celui du réfrigérateur lorsqu’on l’ouvre dans un moment de grande soif pour chercher la boisson salvatrice !
– Le bruit que tu détestes ?
– France Info au réveil !
– Ton endroit préféré ?
– L’île D’Aegina en Grèce dans le Golf de Saronique
– Ta couleur ?
– L’améthyste
MERCI !!
Entretien réalisé le 19 Décembre 2003 par Pierre-Emmanuel Fleurantin et Nathalie Abravanal