Publié le 17 septembre 2012 - Par Frédéric Guégan

L’analyse de Thomas Klotz, Avocat à la cour, sur la rémunération de l’artiste-interprète de cinéma

Thomas KLOTZ, avocat à la Cour, nous fait part de ses dernières analyses concernant la rémunération de l’artiste interprète de cinéma.

CONTEXTE

Dans ces colonnes nous évoquions, il y a tout juste deux ans, les difficultés d’application de la rémunération bicéphale de l’artiste-interprète découlant de la combinaison des dispositions du Code du travail et du Code de la propriété intellectuelle. L’articulation entre la rémunération en salaire et en redevance est bien acquise théoriquement dans la lettre des articles L. 7121-8 du Code du travail et L. 212-3 et L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle. Toutefois la pratique de la production cinématographique, la jurisprudence de la Cour de cassation et la rigueur de certains contrôles URSSAF conduisant à de très nombreux et impressionnants redressements nécessitaient des éclaircissements
de la part des pouvoirs publics quant aux modalités de mise en œuvre notamment au regard du droit de la sécurité sociale.
C’est chose faite avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 mais aussi et surtout avec la circulaire du 20 avril 2012 relative au régime social des redevances et avances sur redevances.

COMMENTAIRE

Première précision, les redevances et avances sur redevances versées aux artistes (mais aussi aux mannequins) constituent des revenus du patrimoine selon l’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Ainsi, elles sont logiquement exclues de l’assiette de la cotisation de sécurité sociale mais aussi du forfait social. Les redevances et avances sont donc assujetties à un prélèvement social global de 15,5 % à compter du 1er juillet 2012.
Après avoir rappelé les conditions cumulatives classiques de la qualification d’une rémunération en redevance (la présence physique de l’artiste ne doit pas être requise pour l’exploitation de son interprétation, rémunération non déterminée par le salaire mais uniquement par le produit de l’exploitation de l’enregistrement), la circulaire pose cette fois-ci des critères permettant de présumer la qualification d’avances sur redevances.
Ainsi il est précisé que les avances sur redevances non
remboursables bénéficient du même régime que les redevances si :
– les sommes versées à ce titre sont proportionnées au regard
du salaire total prévu au contrat ;
– la somme doit être fixée selon le potentiel d’exploitation de
l’œuvre et la prévisibilité des recettes ;
– en cas de succès important, le surplus de recettes doit être
significatif ;
– le mécanisme d’intéressement doit être applicable pendant
une durée suffisante.
Si l’un de ces critères fait défaut, la totalité des sommes
versées est assujettie au régime social des rémunérations
salariales.
Au-delà de ces critères visant à raisonner et à donner tout son
sens à l’aléa économique de l’exploitation des œuvres,
l’intérêt majeur de cette circulaire réside dans les deux
annexes qui suivent le texte. L’une d’elle a trait aux modalités
pratiques d’appréciation des critères ci-dessus mentionnés
dans la production phonographique et l’autre traite du secteur
de la production cinématographique. Nous ne nous intéresserons qu’à l’annexe relative à la production cinématographique.

Cette annexe fait preuve d’une grande pédagogie en
s’appuyant sur un exemple chiffré et une définition des termes
employés.

1) S’agissant du respect de la proportion entre le montant du salaire et le montant des avances sur redevances. Lorsque le salaire prévu par le contrat d’engagement de l’artiste interprète est inférieur à sept fois le minimum conventionnel hebdomadaire, l’avance sur redevance doit impérativement être inférieure à la moitié de la rémunération totale, c’est-à-
dire tout simplement inférieure au salaire. Mais lorsque le salaire est supérieur à sept fois le minimum conventionnel, alors le montant de l’avance sur redevance doit être inférieur aux deux tiers de la rémunération prévue au contrat.

2) Concernant la prise en compte du potentiel d’exploitation
de l’œuvre et les recettes prévisibles. Le point de recoupement
de l’avance, c’est-à-dire le moment où l’avance versée par le
producteur est amortie par les recettes d’exploitation, doit être
inférieur à la plus élevée des deux assiettes suivantes, soit
70 % du budget prévisionnel du film, soit 130 % des recettes
de financements (vente TV, minimum garanti…)

3) Le succès de l’œuvre doit conduire à un surplus de
redevances significatif. Lorsque les recettes sont égales à deux
fois le budget du film, le montant total des redevances (avance
+ redevances d’exploitation supplémentaires) doit dépasser
d’au moins 25 % le montant de l’avance. Le taux de récupération des redevances doit être constant entre le moment où les recettes d’exploitation sont équivalentes au budget prévisionnel et jusqu’à ce que les recettes générées représentent deux fois ledit budget.

4) Le mécanisme d’intéressement ne peut être d’une durée inférieure à cinq ans à compter de la sortie commerciale du film.
L’appréciation du budget du film et des pré-recettes se fait sur les éléments déposés à l’agrément des investissements auprès du Centre national du cinéma et de l’image animée. Un cadre étroit est désormais fixé pour la rémunération par avance sur redevances dans les contrats d’artiste-interprète.
Une double barrière est établie pour limiter le montant des avances sur redevances, la première tient au lien proportionnel avec le salaire minimum conventionnel et la seconde tient à la prévisibilité des recettes d’exploitation mais surtout le caractère réellement amortissable de l’avance consentie. Les producteurs devront donc dès la signature du contrat d’artiste-interprète réfléchir par le biais de calculs par moments assez complexes au montant de l’avance sur redevance de manière à ne pas dépasser les plafonds, mais aussi et surtout au taux de récupération de cette redevance.
La rigidité des règles exposées et l’effort pédagogique de la circulaire ne laissent aucun doute sur la prudence avec laquelle les contrats d’artistes-interprètes doivent désormais
être rédigés.

Toutefois, cette rémunération reste à l’avantage des producteurs car elle permet de réduire considérablement le coût social de l’emploi d’un artiste-interprète. Les syndicats deproducteurs et les organismes de recouvrement ont donc
balisé le terrain de cette rémunération jugée par certains
souvent « abusive et sauvage ». À l’instar de la charte sur la
transparence concernant les relations entre auteur et produc-
teur, des règles claires et précises s’appliquent désormais dans
la relation entre producteur et artiste-interprète.

 

 

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